Mais pourquoi mon ado fait-il sa crise ?
Peu d’ados échappent au besoin de rébellion. Celui-ci se manifeste souvent par une crise. Certains ne supportent pas la moindre contrariété, ne savent prendre la parole qu’en agressant. D’autres ados, plus « dociles », alternent leur crise entre manifestation de rejet et élans de tendresse. Quelques clés pour comprendre les raison de ces crises d'ado.
Le psychologue Henry Pfyser explique que le besoin de s’opposer dépend généralement du contexte familial dans lequel évolue l’adolescent. Si celui-ci est issu d’une famille où les notions d’autonomie et d’indépendance ont toujours tenu un rôle important, ses besoins de rébellion et d’individualisation seront généralement très vite assouvis. En revanche, dans les familles où les parents ont perpétuellement décidé de tout pour l’enfant, sans jamais le laisser s’initier seul à la vie, les choses peuvent rapidement se compliquer.
Une crise d'ado pour s'émanciper
Dans tous les cas, les psychologues s’accordent souvent à considérer l’état « d’opposition » à l’adolescence comme essentiel, nécessaire, voire salutaire. Pourquoi ? « Parce qu’en s’opposant, nous explique Léa, maman de Jérémy, 14 ans, un jeune apprend à digérer les codes parentaux et comprend soudainement qu’il lui est possible de dire non. Par ce comportement d’émancipation, il affûte son caractère et se crée de véritables armes pour l’avenir. » « Cela dit, nuance le psychiatre Paul Ducoeur, tous les adolescents ne s’opposent pas pour s’affirmer. Certains n’en éprouvent nullement le besoin. D’autres sont confrontés à une résistance parentale tellement forte qu’ils refoulent leur envie de révolte et se plient aux règles sans broncher. »
La crise et les conflits non résolus
Selon le psychanalyste Pierre Prélot, un adolescent qui ne trouve pas la possibilité d’exprimer ses colères, ses pulsions, à l’intérieur de sa famille, risquera de les exprimer, de façon décuplée, à l’extérieur – au sein de l’école, par exemple. Sinon, il les gardera en lui comme autant de conflits non résolus, qui pourront venir tantôt ébranler son estime de soi (je n’ai jamais su dire non, je suis nul), tantôt altérer les relations avec son père ou sa mère (mes parents ont été durs avec moi. Ils ne m’ont jamais vraiment écouté ni compris).
Opposition et communication au coeur de la crise
Reste tout de même que pour un parent, il n’est jamais facile de vivre positivement le comportement opposant de son adolescent. « Ce qui, au fond, paraît logique, vitupère Liliane, maman de Sandrine. Entrer dans des rapports de force avec son enfant, le voir tordre le cou à des valeurs que l’on supposait immuables ou inébranlables, est toujours douloureux. » Mais il semble malgré tout possible de transformer cette douleur en un sentiment tolérable, voire constructif. Comment ? « En gardant à l’esprit ces trois pistes de réflexion, répond Pierre Prélot. D’abord, l’opposition ne dure qu’un temps, celui de l’adolescence. Ensuite, elle ne doit pas être perçue comme une attaque gratuite ou personnelle, mais comme l’expression d’un désir d’émancipation nécessaire à la construction de soi. Enfin, elle ne devient réellement nuisible qu’à partir du moment où elle se transforme en rapports de forces physiques. » Autrement dit, tant qu’elle se maintient dans un espace verbal, propice à la communication, à l’échange ou à la confrontation d’idées, l’opposition peut être saine pour tout le monde. Elle permet aux parents de se questionner sur ce qu’ils sont, sur ce qu’ils devraient être. Elle interroge leur système de valeurs et d’autorité. Elle apprend aux adolescents à s’émanciper pas à pas. Elle leur offre la possibilité de formuler le sentiment de leur propre liberté et de s’écrier : « Papa, maman, voici ce que j’étais hier, voici ce que je pense aujourd’hui, et voilà ce que je serai, peut-être, demain… »
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Votre ado, Marcel Rufo, Christine Schilte, Marabout, 6,90 €
Les nouveaux ados, comment vivre avec ?,Collectif, Bayard culture, 14,50 €.