Leur apprendre à donner
Egocentrique, nos enfants ? Oui, et c’est d’ailleurs plutôt naturel. Aller vers l’autre est un apprentissage progressif. A nous de les aider à acquérir ces qualités essentielles en leur présentant le don comme une source de plaisir.
Donner n’est pas une démarche spontanée chez un enfant. Encore moins chez un nourrisson. « Naturellement, le nourrisson est centré sur son plaisir et sur la satisfaction immédiate de ses besoins, explique Christine Brunet, psychologue clinicienne et psychothérapeute. A ses yeux, tout est a lui, et il ne commence à distinguer son corps de son environnement que vers l’âge d’un an. » Inconsciemment, les tout petits considèrent leurs jouets et ce qui leur appartient comme une partie d’eux-mêmes. Mais bien que s’en séparer ne soit jamais une mince affaire, les amener à y parvenir s’avère nécessaire à leur équilibre. Pourquoi ? « Parce que, analyse Emmanuelle Rigon, psychologue, indiquer à un enfant combien il est important, parfois, de penser aux autres, l’aidera à sortir de son sentiment de toute-puissance. L’enfant réalisera ainsi qu’il n’est pas le centre de l’univers et que d’autres individualités co-habitent avec lui »
Être à l’écoute
Si cette prise de conscience lui sera profitable toute sa vie, elle créera d’abord en lui un sentiment de frustration – Comment ? Je ne suis pas seul au monde ? Je dois partager mon temps, mes jouets, mon espace avec les autres ? Ce sentiment sera toutefois nécessaire à la construction de son identité, en ce sens qu’il lui permettra de sortir du « tout, tout de suite » et de se projeter dans un rapport à la vie plus altruiste, plus généreux, moins centré sur ses propres besoins et sur ses propres satisfactions personnelles.
En somme, l'enseignement du partage lui apprendra à se sociabiliser, lentement. « En donnant ou en offrant un peu de son temps, un peu de son attention, synthétise Christine Brunet, un enfant développe une forme d’intelligence du cœur. Il apprend à tenir compte de ses émotions. Il comprend également qu’il est important d’être à l’écoute de celles des autres, pour agir en conséquence. » Et bien entendu, cette ouverture renforcera tant son autonomie que sa confiance lui. Notamment chez les enfants timides. « Savoir que l’on peut aider à tout moment, observe de son côté Emmanuelle Rigon, c’est aussi prendre conscience de son existence, de ses capacités à être utile, de ses richesses personnelles. C’est apprendre à reconnaître ses valeurs à travers le regard et la joie de l’autre. »
Donner l’exemple
Oui… mais cela dit, une question se pose. Dans une société qui n’a de cesse de faire l’éloge du plaisir personnel, dans un monde qui n’a de cesse de créer du désir, des besoins, du bonheur individuel, comment transmettre à nos enfants des notions telle que la générosité, le dévouement, la clémence, l’altruisme ?
Nombres de psy s’accordent à dire qu’un enfant peut, jusqu’à à un certain niveau, apprendre ces valeurs naturellement. A cet égard, la naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur agit souvent comme un électrochoc. L’enfant comprend qu’il est désormais obligé de composer avec cet autre qui vient soudainement de bouleverser son monde, son clan, sa famille. Partagé entre amour et jalousie, il s’essaiera ainsi à de nouvelles impressions, à de nouveaux sentiments qui lui permettront de s’extérioriser. « De la même manière, précise Emmanuelle Rigon, la pratique d’un sport collectif peut s’avérer très riche. Car dans une équipe, chacun doit faire parler sa générosité, chacun doit mettre ses qualités au service des autres, pour gagner. »
Reste tout de même que les notions de « générosité » et de « don » sont surtout et avant tout véhiculées par les parents. C’est du moins a travers leur exemple, que l’enfant les assimilera jusqu’à s’en imprégner. « Mon mari et moi adorons faire des surprises à nos proches. Cela incite nos garçons à en faire autant », confie ainsi Céline. En effet, expliquer à un enfant le plaisir qu’il procurera à l’autre en lui donnant, en lui offrant un peu de lui, est indispensable. Car chaque petit a naturellement besoin de saisir le pourquoi de ces actions afin de leur donner un sens.
Faire du don un jeu
« Il ne faut jamais forcer un enfant qui ne souhaite pas donner, analyse, Emmanuelle Rigon. Car il risque de se braquer et de confondre générosité et corvée. » A contrario, lui présenter le don comme une sorte de jeu est le plus sûr moyen de déclencher en lui un véritable flot d’enthousiasme.
« Pour la fête des pères, raconte Céline, mes deux enfants ont fabriqué en cachette une boîte à courrier pour leur papa. Ils étaient fou de joie à la seule idée de lui faire la surprise. J’ai trouvé ça vraiment très beau. » Car, en effet, en matière de don, il semble exister une règle d’or, infaillible…. une règle que chaque enfant se doit de connaître : le plus beau cadeau n’est pas forcément le plus coûteux, ni même le plus ostentatoire. Un baiser, un dessin, un geste de générosité vaudront toujours bien plus que tous les présents du monde.
Extrait de PsychoEnfants n°3
Adresses utiles :
Copain du monde : Mouvement d’enfants du Secours populaire. 9-11, rue Froissart, 75140 Paris cedex 140. Tél.: 01 44 78 21 00. http://www.copaindumonde.org
Action catholique des enfants : 63, avenue de la République, BP 700, 92542 Montrouge cedex. Tél.: 01 55 48 03 23. www.ace.asso.fr
Association Junior solidarité : favorise les actions de solidarité des élèves au profit des enfants hospitalisés. http://juniorsolidarite.org
Envie d’agir : Tout savoir pour bien s’engager. www.enviedagir.fr