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L’utilité de la frustration

l'utilité de la frustrationTrès souvent, les parents me sollicitent parce que leur enfant a du mal à apprendre et qu’il signe quelques troubles du comportement à la maison. Pour eux, c’est qu’il existe un problème « psy » sous-jacent.

L’anxiété est souvent mise en avant et certains enfants souffrent effectivement d’un manque de confiance en soi. Aux « Je dois réussir sinon que va-t-on penser de moi ?», « Je dois être parfait dans tout ce que j’entreprends… », les éducateurs se doivent de stimuler l’indépendance de l’enfant (afin de dissocier sa propre valeur du jugement des autres) et lui faire prendre des risques (pour qu’il appréhende de nouveaux défis et tâches sans le souci de« perfection ») .

Mais je rencontre aussi de « faux anxieux », des enfants qui signent les mêmes difficultés mais qui semblent souffrir d’un trop plein d’Estime de Soi. Ils ont connu une grande sécurité affective, ont été stimulés, valorisés, surprotégés et tout paraît s’effondrer dès que la réalité devient trop contraignante, en général dès le CP. La plupart ont un dénominateur commun : peu ou pas d’exigences ou de frustrations à la maison, beaucoup de communication avec les parents qui ont ce souci constant qu’il « Soit le plus heureux possible ! ».

Quand je m’informe sur le quotidien, je vois cette exacerbation du principe de plaisir : beaucoup d’amour, des stimulations constantes dans le jeu et l’échange, jamais d’ennui ni d’attente, peu de refus et de règles frustrantes. Ces enfants ont développé une « intolérance aux frustrations »: désormais, tout ce qui ne correspond pas à leurs attentes, à leur désir, sera ou refusé (comportements agressifs) ou vécu sur un mode angoissant.

Pour ces pseudo «enfants anxieux », il s’agit surtout d’une mauvaise accommodation au réel parce qu’ils sont très « vulnérables au principe de réalité » : ils ont peur des apprentissages nouveaux car ils n’ont jamais connu la difficulté d’apprendre ou l’échec. Pour ceux à qui on fait croire qu’ils « savaient tout », que « tout marchait tout de suite » (jeux vidéo, etc.), c’est le drame dès qu’ils sont en « déséquilibre », dès qu’ils rencontrent un obstacle. Ils craignent l’émulation entre élèves car ils ont toujours été survalorisés, ils angoissent devant « l’autre » car ils sont souvent restés « centrés sur eux-mêmes ».

Quand on est « le plus beau », c’est douloureux de ne plus être mis en vedette parmi les pairs. Quant à l’angoisse devant l’autorité des adultes : comment ne pas angoisser devant quelqu’un qui ne vous idolâtre pas quand on est habitué à toujours plaire, à faire ce que l’on veut et que l’on ne connaît aucune contrainte ? L’éducation se doit donc parfois de vaincre certaines anxiétés chez nos enfants, non pas en sur-stimulant une estime de soi apparemment blessée mais en instillant un incontournable du développement psychique : la frustration .

Didier Pleux
Didier Pleux est docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien, directeur de l’institut de thérapie cognitive et auteur d’ouvrages dont Peut mieux faire : remotiver son enfant à l’école et De l’enfant roi à l’enfant tyran parus aux éditions Odile Jacob.

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