Milton Erickson : le fondateur de l’hypnose
Au fond, qui mieux que lui ? Qui mieux que Milton Erickson était prédestiné à donner un nouvel élan une nouvelle réalité à l’hypnose? Qui mieux que Milton Erickson était voué à dépoussiérer cette vieille pratique qui végétait du côté des sciences occultes, de la magie noire et du spectacle depuis le XVIIIe siècle ?
Introduction : un homme hors du commun
Coma
C’est à l’âge de 17 ans, alors qu’il contracte une forme grave de polio (infection du système nerveux), que tout commence. Alité dans sa chambre, rongé par la fièvre et la maladie, il entend le médecin de famille chuchoter à ses parents qu’il ne passera pas la nuit. Il demande à sa mère de déplacer son lit face à la fenêtre pour contempler le coucher de soleil une ultime fois, avant de mourir.
Plus tard, Milton Erickson racontera qu’il vivra alors sa première expérience d’autohypnose : pendant une heure, il plongera dans un état de « transe », durant lequel il ne verra que le soleil se coucher, faisant abstraction de l’environnement alentour : les arbres, les oiseaux, la barrière qui entravait sa vue par la fenêtre…
Une fois le soleil disparu, Milton Erickson entrera dans un coma long de trois jours. Le jeune homme se réveillera totalement paralysé, ne pouvant bouger que les yeux. Pendant plus d’une année, Milton Erickson meublera son ennui en réexpérimentant l’autohypnose, patiemment, méthodiquement. Il découvrira qu’il existe en chacun de nous des moyens qui peuvent être mobilisés seulement par la pensée. Il apprendra également à développer une capacité d’analyse (de soi), d’observation (des autres) et de discernement (de signes et de comportements), à la limite du perceptible.
Fragilité
Drôle de destinée que celle de cet américain né dans le Nevada en 1901. À l’âge de 8 mois, les médecins décelaient déjà chez lui une forme de daltonisme : des couleurs, il ne perçoit que le pourpre. Cinq mois plus tard, on constate que l’enfant est atteint d’amusie : il n’entend de la musique qu’une cacophonie de bruits disgracieux. A l‘âge de six ans, on le diagnostique dyslexique : quand il lit, il ne parvient pas à distinguer les syllabes les unes des autres. « Mes différences m’ont incité à développer très tôt un rapport au monde et une sensibilité bien particulière, expliquera Milton Erickson lors d’une conférence enregistrée en 1932. Par exemple, j’ai toujours ressenti le malaise en chaque homme. J’ai toujours eu cette disposition à comprendre l’âme humaine, ses doutes et ses souffrances. »
Hypnose
À l’âge de 19 ans, alors qu’il suit une réduction physique intense lui permettant de lutter contre les effets ravageurs de la polio, il décide d’étudier la médecine. Sept ans plus tard, il obtient son doctorat et se spécialise en psychiatrie. Durant ces années d’étude, Milton Erickson participe à de nombreux séminaires sur l’hypnose. À l’âge de 29 ans, il publie un premier article sur le sujet, en marge des courants traditionnels. Deux ans plus tard, il se marie et entame une carrière de psychologue, proposant une approche thérapeutique de cette pratique totalement revisitée. Finie l’hypnose à l’ancienne qui consistait à plonger le patient dans un sommeil profond. Milton Erickson met en place une méthode d’hypnose « éveillée »… C’est-à-dire un état de conscience altérée avec « une attention intense mais focalisée », dont les séances, répétées 3 fois par mois pendant deux mois, ne durent jamais plus d’une heure. L’objectif ? Proposer autre chose pour écouter, comprendre, soigner ceux qui en éprouvent le besoin. Discuter de façon plus directe avec leur inconscient. Lutter d’une façon résolument nouvelle, courte et efficace contre leurs troubles de l’anxiété ou de la personnalité.
Guérisseur
Considéré comme le père des thérapies brèves, Milton Erickson incarnera toute sa vie la figure du « guérisseur blessé », testant sur lui-même certains principes d’hypnose qu’il mettra ensuite en pratique lors de ses séances. À l’âge de 47 ans, handicapé par de nouvelles attaques de polio, il s’exile en Arizona, région désertique moins propice aux microbes et aux allergies. Il y ouvre un cabinet de consultation privé qu’il ne fermera qu’un an avant sa mort. Durant ces trente années de consultation, Milton Erickson se taillera un nom et une réputation dans le monde des sciences humaines.
La légende raconte qu’il aurait hypnotisé, durant toute sa vie, plus de 30 000 personnes. Et que pour sa part, il se serait auto-hypnotisé plus de 100 000 fois. Une chose est sûre, le dernier sommeil qu’il entreprendra de faire, se déroulera en mars 1980… le jour de sa mort.
l’auto-hypnose, c’est quoi ?
Il s’agit d’une pratique simple et rapide présentant l’avantage d’une intervention directe sur notre inconscient. Il convient de rentrer soi-même dans un état de détente maximal – rêverie – en incitant son esprit à « décrocher » du monde réel et concret. Bien maîtrisé, l’auto hypnose peut permettre de se débarrasser d’un comportement non souhaité, d’agir sur son très, d’obtenir une meilleure gestion de ses capacités. Plusieurs centres de formation à l’auto-hypnose existent en France.
Erickson… père du Palo alto ?
Les recherches et découvertes de Milton Erickson ont influencé nombre de courants psychologiques et thérapeutiques, dont celui du Palo alto. Du nom de la ville américaine de Palo Alto, ce courant de pensée, en partie créé dans les années 1950 par l’anthropologue et psychologue Gregory Bateson, avance l’idée que la « personnalité » d’un être humain se définit surtout à travers le réseau complexe de relations interpersonnelles qu’elle se tisse. « Cette idée, explique le psychiatre et conférencier Carlos Alfonso, est largement empruntée à Erickson qui dès les années 1930 s’échinait à répéter que le thérapeute ne pouvait plus considérer son patient comme un individu isolé sur lequel il devrait poser un diagnostic, mais comme un être aux interactions multiples. » C’est ce regard nouveau posé sur l’homme et son environnement social et relationnel – familial, amical, professionnel – qui donnera également naissance aux thérapiew familiales.